L’architecture civile antérieure au XVe siècle

Localisation :

Tours

Dates :

antérieur au XVe siècle

État du batiment :

Conservé

Maison 29 rue Briçonnet.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

En 1356, la ville de Tours, jusque-là organisée autour de trois pôles urbains distincts, est unifiée par un seul et même mur d’enceinte. Avant cette date, il existe une agglomération dense qui se concentre dans le quartier Saint-Gatien, le premier bourg constitué, qui correspond à la cité de l’Antiquité tardive de Caesarodunum ; il reste le siège du pouvoir politique localisé au château royal et le siège de l’archevêché. À 2 km, il existe à le quartier Saint-Martin, deuxième bourg constitué, qui doit son origine au culte de saint Martin. Entre la cité et la ville martienne, se tient le quartier Saint-Julien, troisième bourg constitué, qui voit l’implantation de nombreux édifices religieux, dont l’abbaye de Saint-Julien. Mais voici qu’en 1356, au cours de la guerre de Cent Ans, le désastre de Poitiers et la captivité du roi Jean le Bon provoquent dans la cité la terreur de l’ennemi qui se rapproche. Les bourgs de Saint-Gatien, Saint-Martin et Saint-Julien sont alors réunis dans une enceinte commune : Tours unifiée vient de naître [Chevalier, 1980, p. 37].

Malgré des vestiges, il est difficile de saisir des constructions civiles de Tours pour la période antique. La ville ouverte du Haut-Empire (Ier siècle av. J.-C. – IIIe siècle ap. J.-C.) semble avoir possédé un habitat de type urbain présentant un parcellaire morcelé, limité à sa périphérie par des villas suburbaines aux vastes dimensions. Mais ces bâtiments restent inconnus. 

Durant le Bas-Empire (IVe -Ve siècles), les grandes villas installées à la périphérie de la ville ouverte furent détruites et abandonnées. Un castrum réutilisant l’amphithéâtre comme bastion fut construit dans l’angle nord-est de la ville dans la première moitié du IVe siècle (actuellement derrière la cathédrale). Mais la ville primitive ne fut pas complètement abandonnée ; le castrum resta un lieu de refuge en cas de troubles graves. Les bâtiments civils virent leurs dimensions réduites mais gardèrent leur fonction primitive de demeures d’une population riche et aisée (thermes privés, cour, …) [Mabire la Caille, 1980, p. 24].

Détail de l’ancien amphithéâtre et de la cathédrale, cadastre napoléonien, section B1 du de Saint-Gatien et de Saint-Pierre-des-Corps, 1864, échelle : 1/1250e, Archives d’Indre-et-Loire, 6NUM10/261/006.
Crédits : © Archives départementales d’Indre-et-Loire

 

Les vestiges de l’architecture civile du Haut Moyen Âge (Ve -Xe siècles) sont quasiment inexistants. Sur le site du château de Tours, seuls quelques fragments de murs datés du VIIIe siècle témoignent des techniques de construction employées à cette époque sans que l’on puisse toutefois en définir le type d’édifice [Mabire la Caille, 1980, p.25]. Aux VIe et VIIe siècles, des édifices religieux se construisent autour de la basilique de saint Martin, édifiée sur sa tombe à la fin du Ve siècle. Un bourg qualifié de burgus au IXe siècle se constitue grâce aux nécessités de l’approvisionnement de l’établissement religieux, l’existence du pèlerinage de Saint-Martin et les possibilités d’échanges à longue distance grâce à la Loire. Les raids normands du IXe siècle obligent les chanoines à faire édifier un castrum, connu sous le nom d’enceinte de Châteauneuf. Mais il s’agit également pour le chapitre et pour l’abbé laïc de l’époque d’obtenir des privilèges politiques. Au Xe siècle, une enceinte est construite autour de la collégiale Saint-Martin et du quartier canonial, englobant également une partie du bourg laïc situé au nord. Le castrum sancti Martini voit ainsi le jour en opposition à la cité, où se trouve l’évêque. Entre ces deux pôles, le monastère Saint-Julien est établi dans une zone au parcellaire plus lâche [Marot, 2013, p.223]. 

Localisation des édifices de type maison-tour des XIe-XIIe siècles (état de l’inventaire début 2012), LAT, ToToPI, ÉM 2012, plan extrait de Marot Émeline, « Châteauneuf (Tours) : construction d’une identité urbaine aux Xe-XIIe siècles », dans Archéologie de l’espace urbain, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.

 

Le XIe siècle voit l’érection de très nombreux édifices religieux mais on ne connaît à Tours qu’un seul bâtiment civil : la résidence des comtes d’Anjou construite vers 1044-1068. Il se compose d’une vaste salle rectangulaire flanquée au sud-est d’une tour carrée. Conformément aux édifices princiers des XIe et XIIe siècles auxquels elle s’apparente, cette résidence possédait un étage qui abritait l’aula ou salle publique dans laquelle le comte exerçait son autorité [Mabire la Caille, 1980, p.25].

Les édifices médiévaux des XIIe et XIIIe siècles existant encore se concentrent dans le quartier de Châteauneuf, autour de Saint-Martin. Les deux-tiers des édifices antérieurs au XVe siècle sont à replacer dans un contexte religieux (maisons canoniales de Saint-Pierre-le-Puellier, de Saint-Martin, cure de Sainte-Croix), militaire (tour réaménagée de l’enceinte du Xe siècle de Châteauneuf) ou princier (résidence comtale, archi-épiscopale). Le reste se compose de maisons et d’habitation noble (hôtel de la Jaille) [Mabire la Caille, 1980, p.25]. Si leur nombre est peu élevé, très souvent on n’en observe que quelques vestiges comme des traces de baies. Aussi, peut-on relever quatre type de vestiges de baies :

  • la baie simple en plein cintre (12 rue Descartes) ;
  • la baie géminée (le pignon de l’hôtel de la Jaille était percé d’une baie géminée couverte d’un arc trilobé et la maison 3 place de Châteauneuf conserve également des vestiges de trois travées de baies couvertes d’un arc brisé au premier étage, qui abritaient sans doute des baies géminées au XIIIe siècle) ;
Baies géminées du XIIIe siècle – Maison 3 place de Châteauneuf.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue.

 

  • les baies doubles qui sont formées de deux arcs en plein cintre ou en arc brisé encadrant des fenêtres rectangulaires (la maison 21 rue des Cerisiers possède des baies inscrites dans une archivolte caractéristique du XIIIe siècle ou du début du XIVe siècle) ;
Maison du Cerisier.
Crédits : Photo © Ophélie Delarue.

 

  • une succession d’arcades en tiers-pointes retombant sur des colonnettes engagées, à chapiteau et circonscrivant des fenêtres (la maison 5 rue du Poirier,  XIIIe siècle, présente une succession de quatre arcs en tiers-point circonscrivant des fenêtres percées postérieurement et des vestiges d’arcs polylobés).  
Maison – 5 rue du Poirier.
Crédits : photo © Léa Dupuis.

 

De fait, les baies constituent le principal ornement de l’architecture civile et urbaine médiévale, comme en témoigne l’architecture de la maison du 29 rue Briçonnet qui met l’accent sur la lumière et la luminosité des pièces. Cette maison du XIVe siècle n’a pas hésité à ouvrir une véritable claire-voie avec de très grandes baies tripartites et une série d’arcades en tiers-point composée de trois croisées centrales prolongées de part et d’autre d’une Demi-croisée. [Mabire la Caille, 1980, p.32]. 

Maison 29 rue Briçonnet.
Crédits : Photo © Léa Dupuis

Ainsi, ces maisons reflètent-elles la permanence des demeures antérieures au XVe siècle encore habitées à la Renaissance et même aujourd’hui comme en témoignent les nombreux remaniements opérés au fil des siècles. 

 

Bibliographie
Chevalier Bernard, « L’aube des temps modernes » dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, in 4°, X, 1980, p. 37-46.
Garrigou Grandchamp Pierre, Demeures médiévales, cœur de la cité, Paris, éd. R.E.M.P.ART. et Desclée de Brouwer, 1992.
Mabire La Caille Claire, « L’architecture civile à Tours des origines à la fin du XIVe siècle », dans Toulier Bernard (commissaire), L’architecture civile à Tours des origines à la Renaissance, Mémoires de la Société archéologique de Touraine, in 4°, X, 1980, p. 24-37.
Marot Émeline, « Châteauneuf (Tours) : construction d’une identité urbaine aux Xe-XIIe siècles », dans Lorans Élisabeth, Rodier Xavier, Archéologie de l’espace urbain, Tours, Presses universitaires François-Rabelais, 2013.